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Elle souhaite
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Jonathan l’attendait, comme promis. Il lui sourit au-dessus du café qu’il buvait tranquillement. Quelques mèches de ses cheveux châtains lui tombaient devant les yeux et elle le trouva irrésistible. Si elle n’avait pas aimé Rachel, elle se serait levée du lit ce matin avec Jonathan à ses côtés.
-Bon matin, sourit-elle en déposant son sac sur le sol, près d’elle. Jonathan lui adressa un sourire à son tour, puis déposa sa tasse de café sur la table. Il attendait qu’elle lui dise comment procéder.
-J’ai mis tout ce qui était important dans ce sac, c’est tout pour Rachel. Cette lettre (elle lui glissa une enveloppe blanche), c’est pour ma mère. Remets-lui en main propre, je veux qu’elle lui parvienne.
Jonathan hocha simplement la tête, déplaçant ses mèches châtaines sur son front clair. Il glissa la lettre dans son long manteau noir et reporta son regard vers elle. Elle semblait vouloir lui dire quelque chose, mais elle doutait :
-Je…J’aurais voulu, vraiment, ne pas avoir à te confier tout ça. Tu sais que je n’ai jamais, au grand jamais, voulu les provoquer.
-Tout ça nous dépasse tous, fit-il de sa voix calme, fondant son regard sur son café, puis sur les mains qu’elle tordait nerveusement sur la table. Elle lui fit un petit sourire.
-Peux-tu me promettre quelque chose?
Jonathan leva ses yeux vers le regard perdu.
-Tu sais bien que oui.
-Promets-moi que tu prendras soin de Rachel. Je suis désolée, pardonne-moi...
Sa voix se brisa et il fit une pression sur sa main droite, comme pour lui dire qu’il ferait ce qu’elle souhaiterait. Sur un coup de tête, elle se leva de sa chaise et alla chercher les lèvres de Jonathan. Celui-ci, un peu surpris de l’impulsivité de son amie, ouvrit grand les yeux, puis les ferma doucement, profitant du baiser.
Brusquement, elle mit fin au baiser et partit vers les toilettes sans un mot. Le baiser n’avait duré que quelques secondes, mais il sentait toujours ses lèvres contre les siennes. Il soupira. C’était toujours comme ça avec elle. Il prit une gorgée de son café qu’il trouva amer comparé au goût de sa bouche rouge. En réprimant un frisson, il entreprit de finir sa tasse. Jonathan porta un regard curieux au sac. Ce n’était pas sérieux de le laisser à leur porter. Il secoua la tête.
« Arrête mon vieux, tu ne sais même pas ce qu’il y a dedans. »
Il prit le sac Adidas et le posa sur ses genoux. Il approcha un de ses doigts de la fermeture éclair, mais se ravisa. C’était pour Rachel, pas pour Jonathan. Il soupira une seconde fois. Soudain, comme le courant d’air qu’il lui frappait le visage par l’arrivée d’une nouvelle cliente, il se rappela de son amie. Depuis combien de temps était-elle aux cabinets? Il regarda sa montre. Trop. Trop pour être considéré comme normal.
Il se leva de sa chaise, ignora les coups d’œil que lui jetaient au passage les clients et alla vers la porte de la salle de bain des femmes. Il cogna et attendit. Voyant qu’elle ne lui répondait pas, il frappa deux autres coups. Secs et brefs.
Toujours pas de réponse.
Jonathan leva sa tête, à la recherche d’une serveuse ou du propriétaire du café. Il attrapa au passage une petite serveuse brune et lui expliqua rapidement le problème. Elle le regarda bizarrement au début, mais quand il lui dit que c’était une question de vie ou de mort, elle opina de la tête et alla chercher les clefs. La petite brune jeta un second coup d’œil à Jonathan qui commençait à s’impatienter. Elle ouvrit la porte et fit un pas vers l’intérieur.
Aussitôt, un cri aigu surgit de sa bouche. Elle poussa Jonathan et cria d’appeler la police.
Jonathan avança dans le cabinet et il se laissa tomber sur le plancher, près d’elle.
Il comprenait maintenant.
Elle ne lui avait pas donné ce baiser pour rien. C’était un baiser d’adieu qu’il avait reçu, un baiser de bonne vie, fais mieux que moi.
Elle avait su depuis le début. Elle avait su qu’elle allait mourir dans ce petit café anonyme, la tête éclatée sur le plancher.